Rencontre avec Amos Gitai - Quand le cinéma devient un espace de dialogue

IMG 8425« Nous n’avons pas d’autre choix que de garder espoir. » C’est par ces mots qu’Amos Gitai, réalisateur et artiste israélien, a répondu à une question posée par Lucien, élève de Terminale, lors d’une rencontre exceptionnelle au Kommunales Kino, le 12 décembre. Cet événement était organisé en partenariat avec le ciné-club du LFA.

Lucien souhaitait savoir si Amos Gitai parvenait encore à rester optimiste face aux tensions au Proche-Orient et ailleurs dans le monde. Cette interrogation faisait écho à une question similaire posée en 1982 par Amos Gitai au maire palestinien de Naplouse, qui lui avait alors répondu : « Le pessimisme est un luxe dont nous n’avons pas les moyens. »

 

Une discussion riche et captivanteIMG 5568

Cette rencontre, animée par Neriman Bayram, directrice du Kommunales Kino avec Flavien Le Bouter du LFA et traduite par Johannes Remmer, ancien proviseur du LFA, a permis d’explorer de nombreux aspects de la vie et de la carrière d’Amos Gitai. Le public a notamment découvert le lien profond entre son passé d’architecte et sa vision cinématographique, ainsi que la singularité de ses films souvent marqués par une lenteur invitant à réflexion.

Interrogé sur sa prédilection pour les trilogies, Amos Gitai a expliqué que les thèmes qu’il aborde sont souvent si complexes qu’ils nécessitent une approche multiple, semblable à un kaléidoscope offrant des perspectives variées. En tant qu’architecte et avec humour, il ajoute qu’une table doit avoir au minimum trois pieds pour tenir debout !

Un antidote à l’inondation d’images

Un autre moment fort de l’échange a porté sur la sursaturation d’images liées au conflit israélo-palestinien, des images qu’on voit quotidiennement. Amos Gitai a expliqué que cette surabondance peut engendrer de l’indifférence ou, pire, attiser les tensions. Pour lui, le cinéma doit prendre le contre-pied de cette logique. Il faut ralentir le rythme et donner du temps à la réflexion. Cette philosophie se reflète notamment dans son dernier film, « Pourquoi la guerre ?», où la guerre est abordée sans être montrée. Le film explore les échanges entre Albert Einstein et Sigmund Freud, où le scientifique interrogeait le psychanalyste sur les racines profondes des conflits. Ce film a été présenté hors compétition à la Mostra de Venise en septembre 2024.

Un dialogue

Amos Gitai est également revenu sur l’une de ses phrases prononcées lors de l’une de ses conférences données au Collège de France en 2018: « Ce n’est pas moi qui politise mes films, ce sont mes films qui me politisent. ». Cette réflexion souligne son attachement à donner la parole aux personnes qu’il filme, leur permettant d’exprimer leur point de vue, même lorsqu’il diffère du sien. Pour Amos Gitai, le cinéma se veut avant tout un espace de dialogue, capable de franchir les frontières. Il voit en cet art une mission essentielle : créer des lieux favorables à l’échange et à la compréhension mutuelle entre les peuples.

Amos Gitai a également pris soin de distinguer deux approches artistiques: le documentaire et la fiction. Le documentaire, explique-t-il, s’apparente à un travail d’archéologue, consistant à découvrir patiemment des couches successives de la réalité et de la mémoire. En revanche, la fiction se compare à l’architecture, une création structurée et planifiée ; Il se définit d’ailleurs comme un bâtisseur de films.

Un grand merci à Amos Gitai pour cette rencontre empreinte d’espérance, invitant au dialogue entre les cultures.

 

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